Dans les deux enquêtes Arts Sciences réalisées, l’une à l’échelle de l’Occitanie par l’association Passerelle en 2019, l’autre par le réseau TRAS en 2022, deux positions extrêmes se dégagent chez les répondant·es dans le rapport à l’art et à la science : d’un côté, celles et ceux qui pensent que l’art est au service de la science et sert à simplifier, à illustrer la science ; à l’opposé, celles et ceux pour qui l’interaction entre art et science s’inscrit dans la durée, sur un temps long qui permet une complémentarité de points de vue.
Sur le terrain de la médiation, au discours descendant du sachant s’oppose une approche émancipatrice, dans un rapport d’horizontalité entre chacun·e des parties prenantes : artiste, chercheur, médiateur.ice et publics. Et entre ces deux extrêmes, une grande diversité de pratiques.
Nathalie Panissal est professeure émérite des universités, spécialiste en Didactique des Questions Socialement Vives. Dans sa pratique, la médiation est appréhendée comme une autre façon d’enseigner, qui s’inscrit dans une démarche d’enquête. Il s’agit de coconstruire avec l’apprenant, de lui donner les compétences et la confiance nécessaires pour agir, pour manier l’interdisciplinarité.
La médiation intervient la plupart du temps autour d’un « objet » fini, une fois le processus d’interaction entre l’artiste et le scientifique terminé. Pour les médiateur·ices invités à intervenir, la médiation est le prétexte à la rencontre et au dialogue avec les publics : cultiver la curiosité, ouvrir des questionnements et inviter à poser un autre regard sur le monde. L’objectif est bien de mettre le public au centre du dispositif de médiation et de le rendre acteur. Une mission rendue plus complexe pour les professionnel·les lorsqu’il s’agit d’œuvres arts sciences : dans le cadre du centre d’art le/la médiateur.ice spécialisé.e en arts visuels n’a souvent pas les connaissances scientifiques. Inversement pour le/la médiateur·ice scientifique d’un muséum lorsqu’il s’agit d’interagir avec les publics autour d’une œuvre d’art. En réponse, le muséum de Bourges et le centre d’art d’Antre Peaux ont noué un partenariat. Au fil des œuvres arts sciences qu’ils accueillent dans leur lieu respectif ils coconstruisent les contenus de médiation en joignant leurs compétences.
Si la relation aux publics est bien qualifiée d’épanouissante et galvanisante même, les médiateur·ices s’accordent sur le manque de considération dont pâtit leur métier.
Autre contexte, autre pratique : la médiation est présente dès la genèse du projet, et le lien aux publics complètement intriqué dans la démarche artistique et scientifique. L’association Mediarts (Grenoble) parle de « triangulation » entre des artistes, des scientifiques et des publics sur des territoires. Le/la médiateur·ice en tant que tiers permet le 1+1=3. Tout le monde opère un déplacement en étant à l’écoute des autres et non pas en faisant comme les autres. La difficulté consiste à trouver les bons duos d’artiste et de scientifique, les bonnes personnes pour cette rencontre et en la matière il n’y a pas de recette, pas de modèle. Pour le CNCM Athénor (St Nazaire), le travail de médiation se fait aussi en amont, jamais autour d’une œuvre finalisée. Ce qui importe, c’est de partager les temps de recherche artistique et scientifique avec les publics. L’expérimentation par les publics pendant le processus est essentielle.
Sur les enjeux de la médiation, ils ne sont pas tant en rapport avec l’acquisition de connaissances mais relèvent aussi beaucoup du psychosocial : estime de soi, confiance, inclusion, équité comme l’indique l’association Abers Lab. L’importance de prendre en compte la multiplicité des publics, d’élargir les publics et de se battre sur le champ des représentations. Le Lieu Multiple-Espace Mendes France, qui a mis en place un dispositif EAC Arts Sciences en partenariat avec les services de l’éducation nationale, de la culture et les collectivités témoigne de l’importance de contractualiser les projets. A l’endroit de la médiation il est notamment essentiel de fixer les modalités de l’intervention de l’artiste, du scientifique, et la rémunération de chacun·e.
Pour aller plus loin, la question est posée : faut-il cantonner le travail de médiation aux liens aux publics ? Ou bien la médiation désigne-t-elle aussi l’action de créer le lien entre les parties prenantes d’un projet arts sciences, de nouer le dialogue, de veiller au bon déroulement du projet tout au long du processus. Sur le terrain de la recherche participative, l’Ecole de la médiation coordonnée par Universcience s’intéresse à cette fonction qui dépasse le rôle de coordinateur de projet. Elle participe au travail initié par l’association Sciences Citoyennes pour identifier les liens et complémentarités entre les compétences du/de la médiateur·ice et de cette personne cheville ouvrière au service du projet.
Inter-acteur·ice ? Tiers-veilleur·se ? Inter-médiateur·ice ? Une fonction difficile à nommer, souvent invisible, qui ouvre la réflexion sur le champ de la médiation.
———————————————
CAPTATION DE LA RENCONTRE
PROPOS INTRODUCTIF
Nathalie Panissal, professeure émérite des universités en Sciences de l’éducation, spécialiste de la Didactique des Questions Socialement Vives (QSV) et Thierry Besche, coordinateur de Passerelle Arts Sciences Technologies et vice-président de TRAS
TABLE RONDE 1 > Médiations Arts Sciences : objectifs et enjeux VS pratique sur le terrain
A visionner ICI
TABLE RONDE 2 > Médiations Arts Sciences : évolution des postures et des pratiques
A visionner ICI